Chroniques
Des bobines de fil
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Il fut un temps où l’industrie du textile occupait une très grande place dans l’économie du Québec. Au XIXe siècle, les fibres naturelles, comme la laine et le coton, régnaient en maîtres sur le marché du vêtement. Puis, au XXe siècle, se sont ajoutées les fibres synthétiques comme la rayonne, le nylon et le polyester. La toponymie du Québec a été marquée par cette industrie. Ainsi, des toponymes reprennent les noms d’importantes manufactures qui, aujourd’hui, n’existent plus. D’autres rappellent le souvenir de personnes qui ont lutté pour améliorer les conditions de travail qui avaient cours dans ces manufactures. Enfin, certains toponymes sont en lien avec les métiers qui sont rattachés à l’industrie du textile. Pour en savoir plus sur cette page de notre histoire et son rappel dans la toponymie du Québec, lisez ce qui suit.
L’année 1926 marque l’implantation d’une filière canadienne du groupe Celanese à Drummondville. Cette manufacture de textile était la propriété des frères Camille et Henri Dreyfus, chimistes d’origine suisse. Ces derniers ont inventé le procédé permettant de produire l’acétate de cellulose de manière industrielle. Ce matériau a donné la rayonne, connue aussi sous le nom de soie artificielle ou de viscose. Pour produire la rayonne, une grande quantité de bois est nécessaire. Drummondville, alors entourée de forêts, était un choix logique. Au plus fort de sa production en 1945, pas moins de 5000 personnes travaillaient à cette manufacture. La Celanese a fermé ses portes en 2000. Drummondville a voulu garder trace de ce passé en attribuant des noms en lien avec l’industrie du textile à des voies de communication d’un nouveau secteur. On y trouve, entre autres, les appellations Avenue Camille-Dreyfus, Rue de l’Étoffe, Rue du Satin et Rue de la Soie.
À Trois-Rivières, la compagnie Wabasso Cotton, fondée en 1907, se spécialisait dans la production de toile de coton fine et blanche. Le mot wabasso, qui vient de l’algonquin, signifie d’ailleurs « lièvre blanc ». La compagnie a fermé ses portes en 1985 alors qu’elle employait plus de 1600 personnes. À Trois-Rivières, les noms Rue de la Wabasso et Rue Whitehead rappellent respectivement cette entreprise et son fondateur, Charles Ross Whitehead (1868-1954).
À l’instar d’autres industries, celle du textile a fait l’objet de luttes pour l’amélioration des conditions de travail. Madeleine Parent (1918-2012) a été une figure de proue du syndicalisme dans le textile. Elle a joué, en 1942, un rôle de premier plan dans le mouvement de syndicalisation des ouvriers et des ouvrières de la Dominion Textile à Montréal et à Salaberry-de-Valleyfield. La grève déclenchée en 1946 aux usines de ces deux villes constitue un tournant dans sa vie. Maurice Duplessis, alors premier ministre du Québec, a déclaré cette grève illégale. Les chefs syndicaux, dont faisait partie Madeleine Parent, ont alors été arrêtés. Suspectée d'être une dangereuse communiste par Maurice Duplessis, elle a été expulsée de l’organisation des Ouvriers unis du textile d’Amérique en 1952. Cette année-là marque aussi le début de son exil en Ontario pour quelque 30 ans.
Le nom Pont Madeleine-Parent rappelle le souvenir de cette femme. Le pont qu’il désigne est situé sur le parcours de l'autoroute de l'Acier. Il permet de traverser le canal de Beauharnois entre la partie urbaine de Beauharnois et l'île de Salaberry.
Pour terminer, relevons les noms Place des Tisserandes et Parc des Couturières qui rendent hommage à toutes ces femmes qui ont travaillé dans l’industrie du textile. Les lieux qu’ils désignent se trouvent tous deux à Montréal. Plus précisément, le premier est situé dans l'arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve et le second, dans celui du Sud-Ouest.
Chronique parue le 15 avril 2021.
Date de la dernière mise à jour : 2022-05-18