Chroniques
Pour plusieurs Québécois et Québécoises, l’automne est un moment privilégié pour observer les oies, qui migrent à cette période de l’année vers des cieux plus cléments. « Une volée d’oies blanches, c’est l’ordre dans le désordre », disait Jean-Paul Riopelle (1923-2002), l’un des peintres québécois les plus marquants du vingtième siècle, qui les a souvent représentées. Sa fascination pour leur passage migratoire a même laissé une trace dans la toponymie.
Jean-Paul Riopelle naît à Montréal en octobre 1923. Dès son jeune âge, il démontre un intérêt pour les arts.
Après de brefs passages à l’École polytechnique de Montréal et à l’École des beaux-arts de Montréal, Riopelle s’inscrit au programme d’art de l’École du meuble en 1943, où il fait une rencontre déterminante en la personne de Paul-Émile Borduas, peintre abstrait, professeur favorisant la libre pensée. C’est sous l’enseignement de Borduas que Riopelle réalise ses premières œuvres abstraites et se joint aux automatistes, un groupe de jeunes artistes d’avant-garde de différentes disciplines qui militent pour l’affirmation de la modernité dans les arts dans un Québec alors ultraconservateur.
En 1947, Riopelle déménage à Paris, où il poursuit sa carrière d’artiste. À compter des années 1950, il acquiert une notoriété tant en France qu’aux États-Unis. Il est encensé et consacré par la critique et ses pairs pour ses œuvres.
À partir des années 1970, les séjours au Québec de Riopelle, amateur de chasse et de pêche, sont plus fréquents et plus longs. La proximité avec la nature nourrit sa créativité.
C’est notamment dans son atelier de l’île aux Oies, une presqu’île à l’extrémité nord de l’île aux Grues, que Riopelle peint, délaissant un peu l’abstraction, plusieurs de ses œuvres les plus connues, dont L’hommage à Rosa Luxemburg, l’une des réalisations phares de sa carrière.
Cette œuvre magistrale, exposée pour la première fois en 1993, prend la forme d’un triptyque composé de 30 tableaux et mesurant plus de 40 mètres de longueur. On y voit les contours d’oies qui prennent leur envol ou qui chutent. De fait, les oies que Riopelle pouvait observer de son atelier insulaire ont constitué, à compter du milieu des années 1970, un thème récurrent de ses œuvres, et ce, durant une vingtaine d’années (Les oies bleues, la série La chasse aux oies, etc.).
C’est pourquoi, parmi les 26 noms officiels qui rappellent le souvenir du peintre au Québec, le nom Réserve naturelle Jean-Paul-Riopelle entretient une relation toute particulière avec l’œuvre de l’artiste puisqu’il désigne un site de la municipalité de Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues, où Riopelle a vécu et trouvé l’inspiration. Le lieu, qu’on peut aussi apercevoir dans le fleuve Saint-Laurent depuis le cap Tourmente, l’un des principaux habitats de la grande oie des neiges durant sa migration, est aujourd’hui encore apprécié par les amateurs d’ornithologie.
Jean-Paul Riopelle, qui aurait eu cent ans cette année, a été désigné comme personnage historique par le ministre de la Culture et des Communications le 9 août 2023.
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1Titre d’une exposition de Jean-Paul Riopelle tenue à New York en 1985.
Chronique parue le 26 octobre 2023.
Date de la dernière mise à jour : 2023-12-15