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Déjà hier...

Le 23 mai dernier, c’était la Journée nationale des patriotes. Cette journée a été instaurée par le gouvernement il y a exactement 20 ans, en 2002, pour rappeler le mouvement patriote québécois du XIXe siècle. Dans le même but, le gouvernement avait aussi décrété, en 1977, que la route 133, qui relie Sorel-Tracy à Saint-Jean-sur-Richelieu, serait désignée sous le nom de Chemin des Patriotes.

Si la lutte des patriotes pour la liberté politique et l’obtention d’un système de gouvernement démocratique est bien connue, son combat pour la sécularisation de la société, lui, l’est moins. Ainsi, alors que l’article 1 de la Déclaration d’indépendance du Bas-Canada, rédigée par des patriotes en 1838, énonce sans surprise la rupture des liens unissant politiquement le Bas-Canada et la Grande-Bretagne, l’article 4 du même texte, plus étonnamment, abolit toute union entre l’Église et l’État!

Bien sûr, cette déclaration d’indépendance n’eut jamais force de loi, mais c’était là l’amorce d’une pensée qui traverserait le temps. Plusieurs personnalités du XIXe siècle se sont effectivement exprimées sur la laïcisation au Québec et ont fait entendre leurs revendications en cette matière.

En 1844, peu de temps après la rébellion des patriotes, l’Institut canadien de Montréal est fondé par quelque 200 jeunes. Foyer de culture et de patriotisme, il est à la fois un lieu de débat et de conférence. L’Institut encourage la liberté de pensée, l’éducation laïque ainsi que la séparation de l’Église et de l’État. Il abrite aussi une bibliothèque. On y trouve, entre autres, des ouvrages d’auteurs comme Voltaire, Diderot, Rousseau, Hugo ou Balzac. Beaucoup de ces œuvres sont mises à l’Index par l’Église catholique, ce qui engendre inévitablement des frictions entre l’Institut et le clergé. En 1858, monseigneur Ignace Bourget, évêque de Montréal, demande à l’Institut de se départir de ces livres interdits. Puis, il ira jusqu’à refuser les sacrements et la sépulture chrétienne à Joseph Guibord, un des membres de l’Institut. Tous ces évènements feront que l’Institut fermera en 1880.

Notons que c’est à l’initiative de l’Institut canadien de Montréal qu’a été érigé le monument des Patriotes-du-Cimetière-de-Notre-Dame-des-Neiges.

Jean-Baptiste-Éric Dorion.
Jean-Baptiste-Éric Dorion
Source : Répertoire du patrimoine culturel du Québec

Parmi les fondateurs de l’Institut canadien de Montréal, il y a Jean-Baptiste-Éric Dorion (1826-1866). À cause de son caractère, sa famille le surnomme, dès son jeune âge, « l’Enfant terrible ». Ce surnom va le suivre toute sa vie, et même lui survivre. Journaliste, colon et député, Jean-Baptiste-Éric Dorion demande une éducation non confessionnelle, orientée vers le commerce. Il fonde en 1847 le journal L’Avenir, qui connaît beaucoup de succès. Dans ce journal, on prône la séparation de l’Église et de l’État ainsi que la fin de la tenure seigneuriale.

Quatre noms de lieux sont en lien avec Jean-Baptiste-Éric Dorion. Ces lieux sont tous situés dans la municipalité de L’Avenir, dont le nom, vous l’aurez deviné, reprend celui du célèbre journal de « l’Enfant terrible ». La municipalité de L’Avenir se trouve à mi-chemin entre Drummondville et Richmond. Un pont sur le territoire de L’Avenir a été nommé Pont de L’Enfant-Terrible.

Il est à noter que Jean-Baptiste-Éric Dorion était le frère cadet d’Antoine-Aimé Dorion (1818-1891), qui fut co-premier ministre du Canada-Uni et dont le souvenir est rappelé dans le nom Vaudreuil-Dorion, qui désigne une ville de la Montérégie sise au bord du lac des Deux Montagnes.

L’un des principaux contributeurs du journal L’Avenir et membre important de l’Institut canadien de Montréal est Louis-Antoine Dessaulles (1818-1895). Neveu de Louis-Joseph Papineau, Louis-Antoine Dessaulles en est le fils spirituel. Dernier seigneur de Saint-Hyacinthe, il sera aussi le premier maire de la municipalité de Saint-Hyacinthe. Certains le qualifient aujourd’hui de « grand laïciste du XIXe siècle québécois ». Défenseur de la séparation de l’Église et de l’État, il écrit : « Les choses ne peuvent bien aller dans un pays que lorsque chacun est à sa place : le Clergé à l’autel, l’État aux affaires. Sinon on fait des moines, pas des hommes ; on organise un couvent, jamais une nation. »

Deux noms de lieux rappellent le souvenir de Louis-Antoine Dessaulles : Avenue Louis-Dessaulles, attribué à une avenue de Montréal et, ironie de l’histoire, Rue Saint-Antoine, donné à une voie de communication de Saint-Hyacinthe – notons qu’à une certaine époque, il était d’usage d’ajouter le mot saint au prénom d’une personne à qui l’on voulait rendre hommage.

Soulignons qu’il y a trois ans, le 16 juin 2019, l’Assemblée nationale a adopté la Loi sur la laïcité de l’État, qui consacre notamment « la séparation de l’État et des religions ».

Chronique parue le 16 juin 2022.

Date de la dernière mise à jour : 2023-08-09